Une pionnière de la transsexualité: Christine Jorgensen
Elle est la première femme
transgenre à avoir été mondialement connue. Et la première a avoir évoqué
publiquement son opération de réassignation sexuelle. Née en 1926 à
New York, Christine Jorgensen se sent dès le plus jeune âge prisonnière
d'un corps qui n'est pas le sien.
Après son bac et son service
militaire, elle s'intéresse à la réassignation sexuelle. Et entend parler des
travaux d'un médecin danois, Christian Hamburger, qui a expérimenté une
thérapie hormonale. "J'étais un peu nerveuse parce qu'à cette époque, il y
avait beaucoup de personnes qui assuraient que j'étais folle",
racontera-t-elle plus tard dans une interview.
Elle se rend au Danemark et le
rencontre. Il est le premier médecin à ne pas parler d'homosexualité à son
sujet mais évoque clairement sa transidentité. Longtemps, le secteur médical a
eu tendance à mélanger orientation sexuelle et identité de
genre. "Pour le docteur Hamburger, tout cela n'avait rien de
bizarre", dira-t-elle. Il l'encourage dans sa transition de genre.
Sous son contrôle, elle entame une
thérapie de substitution hormonale, une première. Puis elle est opérée.
C'est un succès. L'équipe en charge de l'intervention s'est basée sur les
conclusions d'un précédent en Allemagne, en 1930, mais qui avait
échoué. (Lili Elbe, dont j'ai parlé précédemment dans cette rubrique).
"Il semble qu'il n'y
ait pas eu de complication ni d'effets secondaires, ce qui est tout à fait
formidable compte tenu du stade primitif où en était les choses à cette
époque"
Pour
Christine Jorgensen, c'est un soulagement. Elle le raconte dans une lettre à
ses parents, qui la soutiennent. "La nature a commis une erreur que
j'ai corrigée, et maintenant je suis votre fille." Elle choisit son
prénom en hommage à son médecin.
Lorsqu'elle
retourne aux États-Unis en 1953, la jeune femme de 27 ans est une
célébrité. À sa descente d'avion, elle remercie la foule de curieux et de
journalistes, mais estime que tout ce battage médiatique est excessif.
Son
histoire captive et fascine. Elle devient actrice, artiste de music-hall
et enregistre plusieurs chansons. Elle a même son propre spectacle et chante
"I Enjoy Being a Girl", (J'adore être une fille). La vaste publicité
autour de sa transition lui apporte une certaine notoriété: elle fréquente
Roger Moore et se fait une place à Hollywood. Elle est de tous les événements
mondains et est élue Femme de l'année par la société scandinave de New
York. "J'imagine qu'ils voulaient tous jeter un œil", dira-t-elle.
Mais à
l'époque, la transidentité est encore taboue et Christine Jorgensen essuie de
nombreuses remarques et moqueries transphobes telles que "Christine
Jorgensen est allée à l'étranger, et elle en est revenue gonzesse"
("Christine Jorgensen went abroad, and came back a broad",
"abroad" signifiant "à l'étranger" et "a
broad" faisant référence à une femme dans un registre
vulgaire). Le New York Daily News la présente comme la première
bénéficiaire d'un "changement de sexe" et titre en première page
"Un ex-GI devient une ravissante blonde".
Un jour
qu'elle est invitée à participer à une émission de télévision, l'animateur
l'interroge sur sa vie amoureuse et évoque son "épouse", elle quitte
le plateau sur le champ. Il se retrouve seul pour le reste de l'émission.
Si sa vie
professionnelle est une réussite, sa vie amoureuse est moins heureuse. À
l'annonce de ses fiançailles avec l'homme qu'elle aime, il perd son emploi.
Alors qu'ils souhaitent se dire "oui", l'autorisation de mariage
leur est refusée au motif que l'acte de naissance de Christine Jorgensen la
présente toujours de sexe masculin. Le couple se sépare. "Je n'ai toujours
pas trouvé le bon", balaiera-t-elle pudiquement face aux journalistes.
Christine
Jorgensen se produit sur scène jusqu'en 1984 et milite pour la reconnaissance
des personnes LGBTQI, se rend souvent sur des campus universitaires. Quelques
années avant sa mort (cinq ans plus tard à l'âge de 62 ans d'un cancer) elle
retournera au Danemark et rendra visite à l'équipe médicale qui a accompagné sa
transition. Lors d'une conférence de presse, elle évoquera son
expérience:
"Nous
n'avons pas commencé la révolution sexuelle mais je pense que nous lui avons
donné un bon coup de pied aux fesses."
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